Focus sur les points essentiels à connaître et les pièges à éviter avant de s’associer
La question d’entreprendre à plusieurs se pose parfois avant le démarrage même de l’activité. La problématique peut également survenir en cours d’exploitation.
Si l’idée de prendre seul les décisions et de ne pas partager les bénéfices peut sembler attractive, elle se heurte également aux réalités de l’entreprenariat. Le créateur d’entreprise peut ne pas disposer de toutes les ressources suffisantes pour mener à bien son projet : manque de compétence, d’apport financier suffisant ou tout simplement de temps pour être sur tous les fronts. La question peut alors se poser d’embaucher un salarié ou de nouer un partenariat avec un autre entrepreneur Mais dans ces cas, il n’y a pas de partage du pouvoir, des résultats. C’est là un signe distinctif de l’associé : sa volonté de partager, consacrée par l’article 1832 du Code civil qui illustre le fameux affectio societatis c’est-à-dire la volonté « d’une ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».
Précaution n°1 : Avoir une bonne connaissance de la personne avec qui on s’associe
« En toute entreprise, il n’y a rien de plus funeste que de mauvais associés » disait ESCHYLE, ancien tragique grec. Afin de ne pas être le mauvais associé de l’autre, les futurs associés doivent connaître leurs objectifs et intérêts respectifs. S’ils sont trop divergents, la réussite risque de ne pas être au rendez-vous. Ce serait le cas lorsqu’un associé à un objectif de retour sur investissement à court terme alors que l’autre privilégie le long terme. Il est primordial de choisir quelqu’un qui partage la même vision de l’entreprise, tout en offrant une complémentarité de compétences et de ressources bénéfiques. Au regard des compétences de chacun, il convient de définir les missions assumées par chacun : qui s’occupe du démarchage commercial ? qui s’occupe des relations avec la banque ? Les réponses à ces questions pourront d’ailleurs permettre de déterminer si tous les associés assument une mission de représentation et de gestion ou si cette mission est réservée à l’un d’entre eux, les autres n’ayant dans ce cas pas de rôle opérationnel au sein de la société.
Précaution n°2 : Connaître ses obligations aux dettes sociales en tant qu’associé
Les obligations financières à la charge des associés dépendent de la forme de la société. Depuis plusieurs décennies, les sociétés sont le plus souvent créées sous la forme de Société par Actions Simplifiée (SAS) ou de Société à Responsabilité Limitée (SARL). En France, en 2019, ces deux formes sociales représentaient à elles deux environ 97% des sociétés créées selon l’INSEE. S’agissant de ces deux formes sociales, le risque assumé par associés est limité aux apports faits à la société, de sorte qu’en cas de difficulté de l’entreprise menant à sa liquidation judiciaire, ils ne perdent que leurs apports. Au contraire, dans les sociétés en nom collectif (SNC), les associés sont tenus au paiement des dettes sociales solidairement avec les autres associés et de manière indéfinie, c’est-à-dire sur leur patrimoine personnel. Le caractère solidaire de l’obligation aux dettes des associés de SNC oblige à une plus grande vigilance dans le choix de ses associés afin d’éviter de se heurter à l’insolvabilité de ces derniers et de devoir assumer seul les dettes sociales en cas de défaillance de la société. Toutefois, même dans les sociétés dans lesquelles la responsabilité des associés est limitée, les associés qui souscrivent un engagement de caution personnelle à l’égard d’un tiers, souvent une banque, ne bénéficient plus de cette limitation de responsabilité à l’égard de ce tiers. Dans ce cas, la responsabilité dépasse la qualité d’associé puisque l’associé caution qui céderait ses titres ne serait pas pour autant libéré à l’égard de la banque.
Précaution n°3 : Connaître ses droits en tant qu’associé
Celui qui a seulement la qualité d’associé sans être mandataire social doit également veiller à bénéficier d’un droit à l’information, c’est-à-dire du droit de se faire communiquer les différents documents relatifs à la gestion des affaires sociales. Ce droit n’est pas identique en fonction des formes sociales. Le droit à l’information des associés est clairement défini par le Code de commerce s’agissant des SARL, des SNC ou des Sociétés Anonymes (SA). En revanche, dans les SAS, il appartient aux statuts de déterminer les contours du droit à l’information dont bénéficient les associés et les modalités dans lesquelles ce droit peut s’exercer. Ainsi, l’associé d’une SAS doit être particulièrement vigilant à la rédaction des statuts puisqu’à défaut de mentions expresses, l’associé devra se contenter de pouvoir poser par écrit et deux fois par an des questions au Président dans le cadre de la procédure d’alerte ou demander en justice la désignation d’un Expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. C’est la contrepartie de la grande souplesse des SAS : il faut prévoir expressément puisque la loi ne prévoit pas tout !
Précaution n°4 : Connaître le régime fiscal de la société
Le régime fiscal des sociétés dépend de leur forme juridique ou le cas échéant de l’option qui a été faite par ses représentants pour un autre régime. En effet, lorsque les sociétés sont par principe ou sur option soumises à l’impôt sur le revenu, les bénéfices sont imposés entre les mains des associés. Dans ce cas, les associés non attentifs auront la désagréable surprise de constater que leur revenu fiscal est augmenté de leur participation dans les bénéfices de la société. C’est le cas notamment des associés dans les sociétés civiles soumises à l’impôt sur le revenu, à défaut d’option pour l’impôt sur les sociétés.
Précaution n°5 : Bien définir la répartition du capital
Un des points délicats au moment de l’association est de fixer la répartition des parts de capital entre les associés. La question sous-jacente est celle du partage du pouvoir et des résultats entre associés. Fréquemment, le droit de vote de chaque associé ou actionnaire aux assemblées générales, et le montant du bénéfice à percevoir sous forme de dividende, sont fixés proportionnellement au montant du capital social détenu par l’associé. Mais ce principe de répartition proportionnelle n’est pas intangible. Il peut y être dérogé par les statuts en stipulant une distribution différente des pouvoirs et des droits pécuniaires. Ce mécanisme est un des outils qui permet de corriger les problèmes induits par un partage du capital à 50/50. Evidemment de nombreux exemples existent où la répartition égalitaire du capital fonctionne. Toutefois, immatriculer une société avec des associés égalitaires et co-gérants sans prévoir d’aménagements particuliers, c’est prendre le risque de compromettre l’avenir de la société. Il est donc conseillé de prévoir des dispositifs de mécanismes correctifs. Il en existe plusieurs destinés à solutionner un litige plus ou moins grave entre deux associés, comme par exemple : l’intervention d’un tiers arbitre de confiance, les dispositifs prévoyants les modalités de cession et de sortie de l’un des associés « clause de buy or sell », la limitation du pouvoir du mandataire social ou encore les dispositifs qui organisent le droit de retrait d’un associé. Il s’agit d’éviter les blocages liés à un désaccord notamment en fixant les conditions de rachat des parts de revente à des tiers. C’est l’objet des pactes d’associés qui viennent compléter les statuts afin de prévenir en amont tout risque de mésentente.
En résumé, le gage d’une bonne association reste avant tout la confiance et la vigilance.
Delphine REVEL-MOUROZ, Avocat, article publié dans Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné du 5 février 2021